Soutien à Laurent et Nathalie, éleveurs en lutte

Medialternatif - 27/03/2014
Image:Soutien à Laurent et Nathalie, éleveurs en lutte

¡ NO PUÇARÁN !
Contre la transformation du métier d’éleveur en opérateur de saisie

Paysans, intermittents, libraires, brebis : occupations simultanées en cours de la DDT et de la Driaaf

Non loin de Paris, depuis 11h ce matin, plus de vingt personnes, chômeurs, enseignants, assistantes sociales, intermittents, musiciennes, profs, informaticiennes, artisans, étudiants, libraires, occupent la Driaaf de Cachan (Direction régionale et interdépartementale de l’alimentation de l’agriculture et de la forêt) en solidarité avec Nathalie et Laurent, un éleveur et une éleveuse de brebis dans le Tarn, qui subissent des sanctions pour avoir négligé des contrôles sur leur brebis.

Nathalie et Laurent ont une amende de 5000 euros à payer et 15000 euros de primes leur sont retirés.

A la même heure, ce sont une soixantaine de personnes et quinze brebis qui ont investi les locaux de la DDT d’Albi (Délégation départementale du territoire), perturbant une commission agricole départementale, et qui sont là aussi pour soutenir Nathalie et Laurent.

Les brebis et les occupants sont toujours sur place à cette heure, à Cachan comme à Albi.

Face à cet arbitraire du contrôle de l’administration, et parce que nous refusons le puçage électronique des brebis, nous, qui ne sommes pas paysans, soutenons les éleveurs en lutte et faisons cause commune avec leur combat.

Dans nos métiers, nos activités, notre chômage, nous avons à subir le même type de contrôles, de plus en plus appareillés par l’informatique, et de plus en plus injustes.

Nous occupons la Driaaf de Cachan et la DDT d’Albi pour exiger l’annulation des amendes et la restitution de leurs primes à la surface et à la brebis ainsi que l’arrêt de l’obligation d’identification pour les agriculteurs.


¡ NO PUÇARÁN !

Soutien à Laurent et Nathalie, éleveurs en lutte

Chômeurs, enseignants, assistantes sociales, intermittents, musiciennes, profs, informaticiennes, artisans, étudiants, libraires, nous sommes ici en solidarité avec Laurent et Nathalie, un éleveur et une éleveuse de brebis dans le Tarn. Ces derniers ont vu leurs revenus, essentiellement issus de primes de la PAC [1], amputés de 15 000 euros pour cette année.

À cela s’ajoute 5000 euros d’amende. Sur la base d’un contrôle de l’ASP [2], la DDT [3] du Tarn a décidé de les punir pour cause d’anomalies multiples dans l’identification de leurs brebis.

Laurent et Nathalie sont engagés dans une démarche collective de dénonciation des contraintes que font peser les nouvelles normes et les nouveaux outils de gestion sur la vie quotidienne.

Parce que nous nous sentons du même monde que des éleveurs de brebis quand ils ne peuvent plus avoir la moindre autonomie dans leur quotidien et parce qu’ils ont décidé de résister, nous occupons ce jeudi 26 mars la Driaaf [4] à Cachan.

Cette institution coordonne l’exécution des mesures administratives concernant les agriculteurs en Île-de-France, et notamment la traçabilité. D’autres groupes de soutien mènent d’autres actions de soutien ce même jour en France.

Laurent et Nathalie s’occupent de 216 brebis, vivantes et trébuchantes, mais l’administration n’en a reconnu que 41 comme « réelles », c’est-à-dire immatriculées en bonne et due forme. Par un retournement désormais classique, la collecte des données prend le pas sur l’activité elle-même. Comme dans beaucoup d’autres secteurs, le métier d’éleveur relève aujourd’hui d’un régime de suspicion généralisée. Une large part du revenu agricole (primes, subventions) est conditionné par un ensemble de déclarations et/ou de contrôles.

Cette logique est la même pour les chômeurs, les intermittents, les enseignants, les médecins, etc. : Tu ne mangeras qu’après avoir bien rempli les grilles d’évaluation conçues par et pour l’administration.

En matière de production de viande, l’équation est la suivante : traçabilité = sécurité alimentaire.

Le revenu de l’agriculteur est alors indexé sur le contrôle de traçage ; et la communication qui en est faite est censée rassurer le consommateur pour qu’il continue d’aller au supermarché après les scandales alimentaires, dus à l’industrialisation du marché.

Or suivre une bête depuis sa naissance jusqu’à son abattage ne garantit ni son goût ni sa qualité.

En revanche, donner à un animal des conditions d’existence décentes, pouvoir le reconnaître sans appareillage technique et l’accompagner tout au long de sa vie, voilà qui peut le maintenir en bonne santé, et donc assurer la qualité de la nourriture. Ce type de soin, ce ne sont ni les organismes de contrôle ni les industriels de la viande qui peuvent s’en porter garants, mais les éleveurs qui ont à charge un troupeau à la mesure de leur capacité de compagnonnage. Et c’est aux consommateurs de créer une relation de confiance avec le producteur, au lieu de la déléguer à des experts en labellisation qu’on ne voit jamais en chair et en os.

Dans un tel système, la traçabilité ne permet pas d’éviter la dégradation des aliments, mais elle fournit un prétexte pour contrôler les faits et gestes des éleveurs.

En matière de contrôle, l’administration n’est jamais trop zélée, et l’on est ainsi passé d’une boucle d’identification unique, à la double boucle.

En 2014, ces dernières doivent contenir une puce électronique à radiofréquences, lisible sans contact. Ce procédé ouvre de nouveaux horizons à la robotisation de l’élevage : en tant que support d’informations, la puce électronique permet des communications « directes » entre l’animal et la machine et prépare des bergeries « automatiques », des abattoirs connectés, une sélection génétique informatique et un monitoring continu de la
production.

Dans la numérisation qui se met en place, l’éleveur perd son autonomie, puisque son activité se réduit à gérer les interfaces, et surtout ce qui perturbe la communication entre elles : les mille phénomènes propres au vivant (quand il digère, qu’il s’enfuit, qu’il tombe, etc.) et qui font qu’une brebis ne rentrera jamais dans un tableau Excel.

S’opposer au devenir-machine de leurs animaux et à la transformation du métier d’éleveur en celui d’opérateur de saisie, voilà ce qui a motivé Nathalie et Laurent à « négliger » l’identification administrative de leurs bêtes. Comme d’autres, et notamment celles et ceux qui ont signé la Déclaration de Montferrier en 2011, ils refusent le puçage au nom du sens et du plaisir qu’ils trouvent dans leur activité ; au nom aussi de l’idée que l’avenir de l’élevage n’est pas dans son industrialisation et qu’il ne peut pas être décidé entre grands producteurs et lobbies technologiques.

Nous qui venons ici occuper la Driaaf n’appartenons pas tous au milieu agricole.

Cependant, nous aussi, nous refusons de voir dans la numérisation la solution miracle à la faim dans le monde, à l’éducation des enfants ou à l’accueil des personnes démunies. Nous refusons que nos imaginaires, notre nourriture, nos relations, nos expériences soient réduits à quelques algorithmes.

Nous occupons la Driaaf de Cachan parce que nous exigeons pour Laurent Larmet et Nathalie Fernandez, éleveurs dans le Tarn, l’annulation des amendes et la restitution de leurs primes à la surface et à la brebis ainsi que l’arrêt de l’obligation d’identification pour les agriculteurs.

___

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occupationdriaaf@riseup.net

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Nous vous donnerons une réponse rapide.

 27/03/2014

[1Politique agricole commune (Europe)

[2Agence des services et paiements.

[3Direction départementale du territoire.

[4Direction régionale et interdépartementale de l’alimentation de l’agriculture et de la forêt.

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