Vers le Nuremberg des responsables français engagés au Rwanda ?

Bruno, Michel Sitbon - 13/06/2012
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La Nuit rwandaise - l’implication française dans le dernier génocide du XXe siècle
Procès des officiers français contre La Nuit rwandaise

Une étape vers le Nuremberg des responsables français engagés au Rwanda - pour la vérité sur la participation française au génocide des Tutsi - neuf officiers supérieurs français portent plainte contre la revue La Nuit rwandaise.

Le 5 août 2008, lors de la publication du rapport de la « Commission nationale indépendante chargée de faire la lumière sur le rôle de la France dans le génocide des Tutsi de 1994 », le ministre rwandais de la justice, Tharcisse Karugamara, diffusait un communiqué dans lequel étaient désignées les trente-trois « personnalités politiques et militaires françaises les plus impliquées dans le génocide ».

Parmi ces personnalités, treize politiques, au premier rang desquels François Mitterrand, président de la République, et Alain Juppé, ministre des Affaires étrangères, et vingt militaires, à commencer par le chef d’état-major des armées, l’amiral Jacques Lanxade et le chef d’état-major particulier du Président Mitterrand, le général Christian Quesnot.

Ce communiqué concluait : « Vu la gravité des faits allégués, le gouvernement rwandais enjoint les instances habilitées à entreprendre les actions requises afin d’amener les responsables politiques et militaires français incriminés à répondre de leurs actes devant la justice. »

Fin octobre 2009, le général Quesnot, faisant office de porte-parole du groupe, accordait une interview à l’Express, dans laquelle il faisait part de ce qu’il avait eu l’intention de porter plainte dès la publication de ce communiqué.

Le 8 juillet 2011, le directeur de publication de la revue La Nuit rwandaise, Michel Sitbon, a été mis en examen suite à la plainte de ce général et de huit autres officiers supérieurs de l’armée française. Ceux-ci allèguent qu’ils s’estiment diffamés par la republication, en août 2008, sur le site Internet de cette revue, www.lanuitrwandaise.net, du communiqué du ministère de la justice rwandais qui les désignent nommément comme susceptible de poursuite judiciaire au regard de leur implication dans le génocide des Tutsi de 1994.

Les plaignants, en tête desquels figure le général Christian Quesnot, chef d’état-major particulier de François Mitterrand pendant le génocide, sont Jacques Hogard, Jacques Rosier, Jean-Claude Lafourcade, Jean-Jacques Maurin, Michel Robardey, Etienne Joubert, René Galinié et Bernard Cussac.

L’état de la procédure

Fin février 2012, la juge d’instruction, Mme Zimmerman, a notifié l’ordonnance de renvoi devant la 17ème chambre correctionnelle du Tribunal de Paris du directeur de publication de La Nuit rwandaise, Michel Sitbon. Il verra sa défense assurée par Maîtres Laure Heinich-Luijer et Christian Charrière-Bournazel, ancien bâtonnier du barreau de Paris.

Afin que ce procès soit l’occasion d’aller au fond des choses, la défense s’est engagée à rassembler les éléments d’une offre de preuve, ce qui signifie qu’elle ne plaidera pas seulement la bonne foi de l’accusé et la légitimité qu’il pouvait y avoir à publier un communiqué de presse du gouvernement rwandais sur le site internet de La Nuit rwandaise, mais également sur le fait que les affirmations dénoncées comme diffamatoires par les plaignants pourraient bien être fondées, ce qu’elle entend prouver.

Ainsi, ce procès apparaît comme une étape possible vers le souhaitable Nuremberg des responsables politiques et militaires français qui se sont trouvés engagés dans le dernier génocide du XXe siècle, puisqu’il pourra être l’occasion que soit portée pour la première fois devant une instance judiciaire, l’examen jusque-là soigneusement évité des responsabilités françaises dans cette entreprise exterminatrice.

En effet, le TPIR [tribunal pénal international pour le Rwanda] qui officie à Arusha, en Tanzanie, aura exclu de l’examen des responsabilités toutes complicités étrangères. De plus, son objet portait limitativement sur les faits de l’année 1994, excluant donc de son champ d’investigation les années de préparation du génocide où, jusqu’en décembre 1993, un corps expéditionnaire français était présent au sein des Forces armées rwandaises qui ont encadré et exécuté le génocide des Tutsi, entre avril et juillet 1994.

La 17ème chambre du Tribunal correctionnel de Paris sera ainsi amenée à examiner aussi bien l’abondante documentation concernant ces années de préparation que les témoignages et les documents, non moins nombreux, portant sur les conditions de l’intervention française de juin 1994, dans le cadre de l’opération Turquoise, de même que ceux faisant état de la participation directe de l’armée française au génocide.

Devraient être également examinés lors de ce procès des documents nouveaux émanant des Forces armées rwandaises qui rendent compte de l’action des militaires français en leur sein, de 1990 à 1993.

L’importance de la documentation rassemblée ainsi que la pertinence des nombreux témoins qui seront cités à comparaître, tout comme la détermination de la défense à faire son offre de preuve, permettent de présager que ce procès pourrait effectivement être un moment important du dévoilement de la vérité sur la participation française à ce crime imprescriptible.

La revue La Nuit rwandaise appelle donc toutes les personnes et associations souhaitant que soit faite toute la lumière sur les responsabilités françaises dans le génocide perpétré à l’encontre des Tutsi du Rwanda à porter la plus extrême attention à cette procédure.

Nous les invitons également soutenir la défense et contribuer aux frais de procédure ainsi qu’aux frais de voyage et d’accueil des personnes que la défense entend faire témoigner à la cour.

Vous pouvez envoyer votre participation financière au Comité pour la vérité et la justice sur les responsabilités françaises dans le génocide des Tutsi au Rwanda à  :


Jacques Morel,

21 rue Antoine Freyermuth F-67380 Lingolsheim – France

Contact  : 0(0 33) 6 84 56 04 60

contact@francerwandagenocide.org

Les chèques seront libellés à l’ordre de « France Rwanda Génocide  »
Vous pouvez également faire un don par carte bancaire via internet (paiement sécurisé) sur le compte paypal de l’association France Rwanda Génocide - Enquête, Justice, Réparations

La revue La Nuit rwandaise

Une revue annuelle sur l’implication française dans le génocide des Tutsi du Rwanda, en 1994

En hommage à Jean-Paul Gouteux, décédé en juillet 2006, La Nuit rwandaise est une revue annuelle, portant le nom de son ouvrage majeur consacré à ce qu’il aura appelé « l’implication française dans le dernier génocide du Xxe siècle », l’extermination des Tutsi du Rwanda, en 1994.

Chaque année, pour l’anniversaire du génocide, La Nuit rwandaise se propose de faire le point des connaissances et des débats sur la participation de l’armée française, sous la direction de François Mitterrand, à la formation, l’équipement, et même l’encadrement de ceux qui procèderont à ce crime.
Sont également examinés dans cette revue – dans le prolongement du travail de Jean-Paul Gouteux – toutes les formes de soutiens - médiatiques, politiques, idéologiques et financiers - dont auront bénéficié les partisans de ce racisme radical, qu’on espérait et qu’on espère ne plus jamais voir.

Le Rapport Mucyo, un document historique et judiciaire exceptionnel

"Pondéré, maîtrisé dans la forme, il désigne clairement le coupable  : l’État français. On ne trouvera pas ici de description embrouillée de l’intrication de réseaux néocoloniaux qui auraient été impliqués presque fortuitement dans un génocide, comme le fait une description complaisante de « la Françafrique ». Non. La liste des personnalités politiques et militaires françaises les plus impliquées dans le génocide, liste qui clôture le communiqué du ministre rwandais de la Justice, commence par le premier des Français, le Président de la République, François Mitterrand. "
- Jacques Morel

On lira une présentation et une analyse détaillée du Rapport Mucyo dans l’article de Jacques Morel, La France « a pleinement pris en charge le projet génocidaire  », selon le rapport Mucyo (La Nuit rwandaise n°5, avril 2011).

La commission Mucyo, auteur du Rapport éponyme, est créée par la loi du 14 avril 2005. Ses membres ne sont nommés que le 16 avril 2006, date du début de ses travaux. Son président, Jean de Dieu Mucyo, ancien procureur général et ministre de la Justice, rescapé de l’hôtel des Mille Collines, donnera son nom à cette commission.

La commission, chargée d’enquêter sur les responsabilités françaises dans le génocide des Tutsi du Rwanda en 1994, est partie des nombreux travaux déjà publiés par de non Rwandais, déjà largement accablants quant à la participation française dans le génocide des Tutsi. Mais elle est allée bien au-delà, en faisant des enquêtes de terrain et en s’appuyant sur de nombreuses archives rwandaises.

Élaboré à partir de l’analyse des faits, du recueil de documents et de témoignages, ce rapport ne part d’aucun a priori. Il ne fait aucun procès idéologique. Il acquiert ainsi une valeur autant historique que judiciaire. Il fait partie des quelques ouvrages fondamentaux qui s’essaient à décrire les mécanismes du génocide des Tutsi.

En conclusion de son rapport, la commission Mucyo déclarera que « le nombre, la convergence et la concordance de plusieurs témoignages produits sur les faits importants ainsi que leur recoupement avec des éléments d’archives et documentaires, permettent raisonnablement de tirer un certain nombre de conclusions sur la responsabilité de la France dans le génocide de 1994 au Rwanda  ».

« À l’issue de son enquête, la Commission a conclu que l’État fran-çais a joué une part active dans la préparation et l’exécution du génocide de 1994.  »
Notamment, que  :
« La France connaissait les préparatifs du génocide.  »
« La France a participé aux initiatives les plus importantes de préparation du génocide. »
« La France a participé à la mise en exécution du génocide.  »
« Le soutien français était de nature politique, militaire, diplomatique et logistique.  »


Les plaignants

Parmi les militaire nommément désignés par la commission rwandaise comme « personnellement impliqués dans le génocide des Tutsi du Rwanda », neuf officiers supérieurs porteront donc plainte contre la revue La Nuit rwandaise, en la personne de Michel Sitbon, son directeur de rédaction, au motif que le site Internet de la revue reprenait, le 5 août 2008, le communiqué de presse du Ministre de la Justice rwandaise, Tharcisse Karugarama.

Jacques Morel, dans La Nuit rwandaise n°5, où il dresse les portraits des neufs plaignants [en lire un résumé ci-dessous] fera remarquer l’absence dans cette liste des « principaux responsables » français, de personnalités aussi lourdement impliquées que Michel Roussin, Ministre de la Coopération, ou Dominique Pin, adjoint de Bruno Delaye à la cellule africaine de l’Elysée.

Ces oublis indiquent bien que cette liste n’est pas exhaustive, de nombreux responsables politiques et militaires n’y figurant pas, tels Nicolas Sarkozy, alors ministre du Budget et porte-parole du gouvernement, ou Jean Heinrich, directeur du renseignement militaire.

Jacques Rosier

Jacques Rosier est chef de corps du 1er RPIMa de 1990 à 1992. Il commande l’opération Noroît, y compris le DAMI, de juin à novembre 1992.

En 1994, il est chef « opérations » de l’état-major du COS à Taverny. À ce titre il est responsable des éléments COS certainement restés au Rwanda pendant le génocide ou venus en précurseurs avant l’opération Turquoise.

Jacques Hogard

Né en 1955, le lieutenant-colonel Jacques Hogard est le fils du général Jacques Hogard, qui, au cours de la guerre d’Indochine, conçoit avec le colonel Lacheroy la doctrine de la guerre révolutionnaire, qu’ils appliqueront en Algérie. Il participe au putsch des généraux en 1961.

Officier de la Légion étrangère stationné à Djibouti, Jacques Hogard commande le groupement Sud Turquoise (Cyangugu), formé de troupes de la Légion. Il arrive le 29 juin à Goma et le 30 à Cyangugu. Il accompagne ce jour-là le colonel Rosier à Bisesero.

À Cyangugu, il relève le détachement du 1er RPIMa qui, avec les autres groupes COS, va arrêter l’avancée du FPR devant Gikongoro.

Jean-Claude Lafourcade

Jean-Claude Lafourcade est officier des troupes de marine. Il a commandé le 8e RPIMa. Général de brigade, il est nommé commandant de l’opération Turquoise. Il prend son commandement le 27 juin.

Pour lui, sa mission est clairement de combattre le FPR. Comme le rapporte le général Dallaire qui le rencontre le 30 juin, il refuse de reconnaître l’existence d’un génocide. Au départ, il veut s’assurer le contrôle de la moitié ouest du Rwanda.

Jean-Jacques Maurin

Ancien du 1er RPIMa, le lieutenant-colonel Jean-Jacques Maurin est nommé adjoint de l’attaché de Défense, conseiller du chef d’état-major des FAR le 24 avril 1992. Il occupe toujours les mêmes fonctions en avril 1994, chef d’état-major de fait de l’armée génocidaire.

Il est très lié avec le colonel Serubuga, chef d’état-major adjoint des FAR jusqu’au 9 juin 1992. Ce dernier envisageait déjà, fin 1990, d’éliminer les Tutsi du Rwanda.

Michel Robardey

Michel Robardey est au Rwanda depuis septembre 1990 en tant que conseiller technique en police judiciaire. Il est promu lieutenant colonel le 3 février 1992. Il supervise le DAMI Gendarmerie. Il est à ce titre chargé en 1992 de réorganiser la section de recherche et de documentation criminelle [C.R.C.D.], c’est-à-dire le fichier central, un lieu de torture où sévissait le capitaine Simbikangwa.

Il ne nie pas avoir pratiqué la torture pour obtenir des renseignements, mais revendique d’avoir maintenu en vie des prisonniers pour pouvoir les interroger.

Il informatisera les fichiers du CRCD et sera chargé de mettre en place une section de recherche en vue de lutter contre les actions de terrorisme. Il est responsable d’une formation d’officier de police judiciaire. Le général Jean Varret constatera que cette formation a été un échec car les enquêtes faites par la gendarmerie « consistaient à pourchasser les Tutsi ».

Michel Robardey excelle surtout dans le domaine de l’action psychologique. Son but est de traquer « l’ennemi intérieur » qui n’est rien d’autre que « le grand éléphant tutsi ». Il se sera opposé au Rwanda, selon ses termes, aux « Tutsis avides de pouvoir ». Il semble clair pour lui que tout Tutsi est un infiltré du FPR. Robardey partage donc l’idéologie des génocidaires  : treize ans après le génocide, Michel Robardey, dans l’enceinte du Sénat français, qualifiait encore de « cafards » (« Inienzy » en kinyarwanda) les partisans du FPR, comme le faisaient les génocidaires.

René Galinié

Colonel de gendarmerie, il a fait Saint-Cyr. Il est attaché de défense et chef de la Mission d’assistance militaire d’août 1988 à juillet 1991. Il commande l’opération Noroît d’octobre 1990 à juillet 1991, hormis novembre 1990, où le commandement est confié au colonel Thomann.

Il partage l’idéologie génocidaire qui voit dans la tentative des exilés tutsi de rentrer au pays, leur volonté de reprendre le pouvoir perdu en 1959.
Cependant, il avertit Paris dès le 12 octobre 1990 d’un risque de génocide. Plus précisément, le lendemain il évoque l’action des groupes d’autodéfense qui massacrent les Tutsi suspects avec des arcs et des machettes dans la région de Kibilira.

Christian Quesnot

Né en 1938, Christian Quesnot est officier du génie, affecté au Tchad et au Liban comme officier de renseignements. Il devient chef d’état-major particulier du Président de la République du 24 avril 1991 à septembre 1995.
Concernant le Rwanda, le chef d’état-major particulier est le point central où arrivent toutes les informations et d’où partent toutes les décisions. Il prime sur les autres conseillers et sur les ministres. Mais c’est François Mitterrand qui est le responsable et le décideur ultime. Il est possible que Mitterrand ait confié à d’autres des missions sur le Rwanda, à l’insu de Quesnot.

Le général Quesnot est le promoteur de la stratégie indirecte, autre- ment dit de la guerre secrète.

Le général Quesnot adhère à l’idéologie du génocide. Il est anti-Tutsi : ce sont, pour lui, des fascistes, des khmers noirs, des agresseurs. Sa seule grille d’analyse est l’ethnie. Estimant que les Hutu étant majoritaires, ils doivent gouverner le pays, il montre qu’il partage l’idéologie dite du peuple majoritaire. Il est opposé au partage du pouvoir avec les Tutsi et aux accords de paix d’Arusha.

Bernard Cussac

Le lieutenant-colonel Bernard Cussac est attaché militaire de Défense, chef de la mission d’assistance militaire de juillet 1991 à avril 1994. Il commande l’opération Noroît de juillet 1991 à décembre 1993 hormis février et mars 1993.

Il dirige donc les opérations militaires françaises qui permettent de former et soutenir l’armée rwandaise, qui ne sait pas se battre mais liquide tous ses prisonniers. Il reconnaît que c’est l’intervention militaire française qui a empêché le FPR d’arriver à Kigali en février 1993.
Il participe lui-même à l’interrogatoire des prisonniers FPR.

Il prend part à la préparation du génocide en organisant le soutien militaire français aux FAR, aux milices et aux groupes d’auto-défense alors que ceux-ci commettent des massacres de Tutsi destinés à tester la réaction des gouvernements étrangers qui soutiennent le régime rwandais.
Avec le lieutenant-colonel Maurin, il organise les actions militaires secrètes pour soutenir les FAR après le départ de l’opération Noroît.

Étienne Joubert

Étienne, Jean, Alain Joubert est né le 9 novembre 1948. Il est officier de transmissions. Lieutenant-colonel au 1er RPIMa, il commande le DAMI Panda du 23 décembre 1992 au 18 mai 1993.

Après l’attaque du FPR du 8 février 1993 et la déroute des FAR, l’armée française se lance à leur secours. Du 22 février au 28 mars 1993, le front Nord est divisé en trois zones opérationnelles confiées chacune à un officier français. Le lieutenant-colonel Étienne Joubert commande le secteur Rulindo.

Le colonel Étienne Joubert revient au Rwanda durant l’opération Turquoise comme officier renseignement puis opérations dans le détachement du 1er RPIMa, sous les ordres du colonel Didier Tauzin, alias Thibaut. Il est à Gikongoro dès le 24 juin où il prend contact vraisemblablement avec les autorités, le préfet Bucyibaruta, le bourgmestre Semakwavu et le capitaine Sebuhura, organisateurs du génocide. L’entrée « officielle  » des Français à Gikongoro ne se fera que trois jours plus tard, le 27 juin.

La France au Rwanda

1990

L’arrivée de la France au Rwanda (opération Noroît)  : Guerre psychologique, engagement français sur le front contre le FPR et massacres de civils Tutsi

4 octobre : Intervention française dans le conflit (opération Noroît).


Nuit du 4 au 5 octobre : Simulation d’une attaque sur Kigali avec le concours des militaires français de la Mission d’Assistance Militaire et de Noroît.

5 octobre : Discours d’Habyarimana à la radio nationale expliquant que l’ennemi avait attaqué la capitale et décrétant l’état de siège  : arrestation dans la foulée de 10 000 Tutsi et d’opposants politiques hutu, à Kigali.

8 octobre : Massacres des populations tutsi du Mutara. Les tueries sont présentées comme un travail collectif respectable par les autorités rwandaises. 


11-13 octobre : Massacre de Tutsi dans la commune de Kibilira. 


Fin octobre : Appui des troupes françaises repoussant le FPR en Ouganda. 
Retrait de la Belgique du Rwanda après un vif débat au parlement dénonçant les crimes du régime Habyarimana. Seules restent les troupes françaises...

1992

L’année 1992 est marquée par plusieurs grandes manifestations contre le gouvernement Habyarimana, poussant le pouvoir à signer des accords de cessez-le-feu à Arusha, et par de nouveaux massacres de civils Tutsi.

8 janvier : Manifestation à Kigali (plus de 100 000 personnes), à Gitarama et à Butare.


15 janvier : Seconde grande manifestation de l’opposition à Kigali. 
Le lieutenant-colonel Chollet, détaché par la Mission militaire de coopération auprès d’Habyarimana, dirige et réorganise l’armée rwandaise. 


Mars : Nouveaux massacres à Kibilira. 
Massacres des Tutsi du Bugesera. 


Mai : Création d’une milice de tueurs : les « Interahamwe » par le MRND. Certains sont formés par des militaires français.

12 Juillet : Signature à Arusha (Tanzanie) d’un accord de cessez-le-feu, puis à Addis-Abeba (Ethiopie). 


Début Août : Mise en place à Arusha des fondations pour un Etat de droit. Entente entre le gouvernement, l’opposition et le FPR pour l’établissement d’un gouvernement transitoire pluraliste.


Fin Août : Massacres de Tutsi dans la région de Kibuye.

Octobre : Dénonciation, par le sénateur belge Kuypers, du rôle des « escadrons de la mort » et de la politique raciste du régime Habyarimana. 


Décembre : Pogromes de Tutsi et d’opposants hutu à Kibilira et dans la région de Gisenyi.


1993

L’année 1993 est marquée par la signature des accords d’Arusha et par la création d’un front ethnique, le « Hutu Power  », selon les préconisations du Ministre français de la coopération, Marcel Debarge. Les massacres de Tutsi et d’opposants continuent.

Janvier  : Signature du protocole des accords d’Arusha sur le maintien de l’état de droit, la fin des massacres, la constitution d’un gouvernement de transition à base élargie incluant le FPR. 


8 février : Nouvelle offensive du FPR pour faire cesser les massacres et mettre en œuvre les accords. Arrêt de l’offensive devant Kigali grâce à l’appui français. Envoi par la France de deux compagnies additionnelles au Rwanda. 


20-22 février : Violences contre les civils Tutsi à Kigali. Massacre de Tutsi et d’opposants Hutu dans les préfectures de Gisenyi, Ruhengeri, Kibuye et Byumba. 


Mars : Enquête internationale sur les massacres qui rapporte que des instructeurs français étaient présents dans le camp de Bigogwe, où « l’on amenait des civils par camions entiers. Ils étaient torturés et tués  ».


Dénonciation des pratiques de génocide au Rwanda et de la responsabilité au plus haut niveau des autorités rwandaises, soutenues par la France, dans ces massacres.


28 février : Visite du Ministre français de la coopération, Marcel Debarge, à Kigali. Appel à un « front commun  » ethnique contre le FPR. Cette déclaration officielle d’un ministre français sera suivi de l’organisation d’une réunion entre le MRND, la CDR et les extrémistes antitutsi des autres partis : MDR, PSD, PL et PDC. C’est la création de la mouvance « Hutu Power  ». 


Avril : Nomination du Général Huchon, adjoint au chef d’état-major particulier du Président Mitterrand à la tête de la Mission militaire de coopération. Il succède au général Jean Varret, « démissionné  » pour avoir manifesté son désaccord sur la politique conduite par la France au Rwanda. 


4 Août : Signature des accords d’Arusha. 


1994 - Le génocide

L’année 1994, année du génocide des Tutsi. Après la déroute des forces génocidaires, dont des représentants seront reçus à l’Elysée et à Matignon, la France vole à leur secours  : c’est l’opération Turquoise. Alors que le FPR est en train de gagner la guerre et de stopper le génocide, celui-ci se poursuivra dans les zones contrôlées par l’armée française (la « Zone humanitaire sure  » [ZHS]). La France continuera à livrer des armes aux génocidaires en déroute, y compris après le génocide, au Congo.

6 avril : Attentat contre l’avion présidentiel et décès d’Habyarimana et du président du Burundi, Cyprien Ntaramira.

9 avril : Envoi de troupes à Kigali par la France (opération Amaryllis) pour l’évacuation des expatriés et des Occidentaux. Constitution du GIR (Gouvernement Intérimaire Rwandais), qui va superviser le génocide, à l’ambassade de France et au Ministère de la Défense, sous la houlette de l’ambassadeur Marlaud et du Colonel Bagosora.

21 avril : Vote de la France au Conseil de Sécurité de l’ONU pour la réduction du nombre de Casques bleus de la MINUAR (qui passe de 2700 à 450).

Fin avril : Opposition de Jean-Bernard Mérimée, représentant de la France au Conseil de Sécurité de l’ONU, à la qualification de « génocide » pour les massacres perpétrés contre les Tutsi. 


Accueil du Ministre des Affaires Étrangères du gouvernement génocidaire, Jérôme Bicumumpaka et du représentant de la CDR, Jean-Bosco Barayagwiza à l’Élysée et à Matignon.


16 juin : Alors que les forces génocidaires reculent devant le FPR, Alain Juppé parle enfin de « génocide » et annonce l’imminente intervention militaire française, l’opération Turquoise. 


23 juin : Entrée officielle des forces françaises au Rwanda par Cyangugu.


4 juillet : Refoulement des FAR de Kigali et de Butare qui entraîne la création par Turquoise d’une « Zone Humanitaire Sûre  » [ZHS] au Sud-ouest, zone où se réfugient les responsables du génocide. Continuation du massacre des Tutsi survivants dans la ZHS.


14 juillet : Prise de Ruhengeri, principale ville au Nord du Rwanda, par le FPR.
Les FAR en déroute fuient au Zaïre grâce à un couloir ouvert par l’opération Turquoise.


17 juillet : Prise de Gisenyi par le FPR et fin de la guerre. Le Rwanda est presque entièrement libéré des forces génocidaires, à l’exception de la ZHS contrôlée par les Français.


21 août : Fin de l’opération Turquoise. 


Réorganisation des FAR qui ont rejoint le Zaïre et bénéficient de l’aide de Mobutu. Présence d’environ 500 militaires français au Zaïre jusqu’à la fin septembre où la France continuera à livrer des armes aux forces génocidaires.

Les responsables français

La Commission Mucyo dressera une liste des Français les plus impliqués dans le génocide. Dans le communiqué de presse du Ministre de la justice rwandaise, Tharcisse Karugarama, présentant les conclusions de la commission rwandaise, sera publiée la liste des Français les plus impliqués dans le génocide des Tutsi .

Tharcisse Karugarama précisera, au vu la gravité des faits allégués dans les conclusions du rapport, « que le gouvernement rwandais enjoint les instances habilitées à entreprendre les actions requises afin d’amener les responsables politiques et militaires français incriminés à répondre de leurs actes devant la justice ».

Les responsables politiques français

• François Mitterrand : Président de la République française (1981-1995).
• Alain Juppé : Ministre des affaires étrangères (1993-1995).
• François Léotard : Ministre de la défense (1993-1995).
• Marcel Debarge : Ministre de la coopération (1992-1993).
• Hubert Védrine : Secrétaire général à la présidence de la République (1991-1995).
• Édouard Balladur : Premier ministre (1993-1995).
• Bruno Delaye : Conseiller à la présidence de la République (1992-1995).
• Jean-Christophe Mitterrand : Conseiller à la présidence de la République (1986-1992).
• Paul Dijoud : Directeur des affaires africaines et malgaches au ministère des affaires étrangères (1991-1992).
• Dominique De Villepin : Directeur adjoint aux affaires africaines et malgaches (1991-1992), directeur de cabinet du ministre des affaires étrangères (1993-1994).
• Georges Martres : Ambassadeur de France au Rwanda (1989-1993).
• Jean-Michel Marlaud : Ambassadeur de France au Rwanda (1993-1994).
• Jean-Bernard Mérimée : Représentant permanent de la France aux Nations unies de mars 1991 à aout 1995.

Les militaires français

• Amiral Jacques Lanxade : Chef d’ État-major particulier du président de la République (1989-1991), puis chef d’ état-major des armées (1991-1995).
• Général Christian Quesnot : Chef d’ état-major particulier du président de la République (1991-1995).
• Général Jean-Pierre Huchon : Chef de la mission militaire de coopération (1993-1995).
• Général Raymond Germanos : Sous-chef des opérations à l’état-major des armées (mai 1994-septembre 1995).
• Colonel Didier Tauzin alias Thibault : Conseiller militaire du président de la République rwandaise de 1990 à fin 1993, Chef du DAMI Panda et de l’opération Chimère (22 février – 28 mars 1993) puis Commandant de Turquoise Gikongoro.
• Colonel Gilles Chollet : Chef du DAMI de mars 1991 à février 1992. Dès février 1992, il cumulait cette fonction avec celle de conseiller militaire du président de la République, chef suprême des FAR, et de conseiller du chef d’ état-major des FAR.
• Colonel Bernard Cussac : Attaché de défense près l’ambassade de France au Rwanda et chef de la mission militaire de coopération (juillet 1991-avril 1994), commandant de Noroît de juillet 1991-décembre 1993, hormis février et mars 1993.
• Lieutenant Colonel Jean-Jacques Maurin : Chef adjoint des opérations auprès de l’attaché de défense (1992-1994).
• Colonel Gilbert Canovas : octobre à novembre 1990, adjoint opérationnel auprès de l’attaché de défense et conseiller du chef d’état-major de la gendarmerie.
• Colonel René Galinié : attaché de défense et chef de la mission d’assistance militaire au Rwanda (août 1988-juillet 1991), commandant de l’opération Noroît (octobre 1990-juillet 1991).
• Colonel Jacques Rosier : Commandant de Noroît comprenant DAMI de juin à novembre 1992, Chef du groupement COS Turquoise (commandement des opérations spéciales) du 22 juin au 30 juillet 1994).
• Capitaine Grégoire De Saint Quentin : Conseiller technique du Commandant du bataillon Para commando et officier instructeur des troupes aéroportées (août 1992- avril 1994).
• Major Michel Robardey : Conseiller technique pour la gendarmerie nationale (criminologie) de 1990 à 1993.
• Major Denis Roux : Conseiller technique du Commandant de la Garde présidentielle de juin 1991-avril 1994.
• Capitaine Etienne Joubert : Chef du DAMI Panda du 23 décembre 1992 au 18 mai 1993, puis officier de renseignements, puis chef des opérations Turquoise Gikongoro.
• Colonel Patrice Sartre : Chef du groupement Nord Turquoise (Kibuye) du 22 juin au 21 aout 1994.
• Capitaine de frégate Marin Gillier : responsable du détachement Turquoise Gishyita (Kibuye).
• Lieutenant Colonel Éric De Stabenrath : commandant de Turquoise Gikongoro du 16 juillet au 22 aout 1994.
• Colonel Jacques Hogard : Chef du groupement sud Turquoise (Cyangugu) fin juin-22 aout 1994.
• Général Jean-Claude Lafourcade : Commandant en chef de Turquoise.

Texte publié dans le numéro 6 de la revue La Nuit rwandaise - Avril 2012

contribuer aux frais de procédure

La revue La Nuit rwandaise appelle donc toutes les personnes et associations souhaitant que soit faite toute la lumière sur les responsabilités françaises dans le génocide perpétré à l’encontre des Tutsi du Rwanda à porter la plus extrême attention à cette procédure.

Nous les invitons également soutenir la défense et contribuer aux frais de procédure ainsi qu’aux frais de voyage et d’accueil des personnes que la défense entend faire témoigner à la cour.

Vous pouvez envoyer votre participation financière au Comité pour la vérité et la justice sur les responsabilités françaises dans le génocide des Tutsi au Rwanda à  :


Jacques Morel,

21 rue Antoine Freyermuth F-67380 Lingolsheim – France

Contact : 0(0 33) 6 84 56 04 60

contact@francerwandagenocide.org

Les chèques seront libellés à l’ordre de « France Rwanda Génocide »
Vous pouvez également faire un don par carte bancaire via internet (paiement sécurisé) sur le compte paypal de l’association France Rwanda Génocide - Enquête, Justice, Réparations

Bruno

Michel Sitbon est éditeur chez L’Esprit Frappeur.

Il a dirigé le journal Maintenant en 1995. Il est l’auteur de Plaidoyer pour les Sans-papiers (1998), Un génocide sur la conscience (1998) et de :

• Mitterrand le cagoulard

• 2 bis rue de Tourville

• Rwanda, 6 avril 1994. Un attentat français ?

 13/06/2012

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